2/04/20

« Ambulancier est une profession sanitaire mal considérée » – Interview de Julien Augerat pour la Tribune PACA

Président du réseau national qui englobe 300 entreprises et 5 5000 salariés, dont le siège est implanté à Bouc-Bel-Air, ce chef d’entreprise alerte sur les conditions de travail comme sur l’évolution du contexte général auquel est confronté la profession. Insistant sur le fait que l’heure n’est pas aux revendications mais que l’après-crise devra être synonyme de réflexion poussée et surtout de prises de décisions concrètes.

A l’instar des professions médicales, ils sont en première ligne. Et comme d’autres, les transporteurs sanitaires indépendants – leur dénomination officielle – souffrent. « C’est une profession qui manque de reconnaissance », résume Julien Augerat. La crise sanitaire bouleverse, comme tant d’autres secteurs, l’activité économique des sociétés de transport sanitaire. Provoquant, comme le résume encore très bien le président du réseau Carius, « une crise dans la crise ».

C’est, précisément pour répondre à l’évolution du secteur qui déjà secouait les professionnels que Carius s’est structuré en 2016. Réseau national englobant 300 partenaires présents dans 60 départements, il a été initié par Santé Mobilité Service (SMS) que dirige Julien Augerat, au moment où la législation, très exactement l’article 80 de la loi de Finance de la Sécurité Sociale 2017, accorde le transport sanitaire de l’Assurance Maladie vers les établissements de santé. Une loi qui bouleverse déjà beaucoup car provoquant mises en concurrence, apparition de plateformes de commandes, négociations… modifiant de fait la pratique du métier. « Le réseau Carius a été créé afin d’aider les entreprises à se transformer dans un secteur atomisé qui avait besoin de mieux se structurer et montrer la qualité de service. Le paysage concurrentiel s’est modifié, certaines plateformes tentant d’ubériser la profession », explique-t-il.

Gérer l’après-crise

Le manque de reconnaissance est donc ressenti fortement par les ambulanciers, « il joue sur leurs esprits », raconte Julien Augerat. Mais il joue tout autant quand vient le temps de négociations autour du secteur de la santé, discussions et négociations dont ils sont exclus. Pourtant, les ambulanciers ont un rôle à jouer dans des enjeux contemporains comme la désertification médicale ou le bien-être à domicile.

Paradoxalement, ce « métier est mis sous une nouvelle lumière car les ambulanciers sont extrêmement mobilisés depuis la crise ».

Mobilisés pour des activités de transport soit de patients atteints du Covid-19 ou pas et pour des actes de dialyses, chimiothérapie ou radiothérapie… Car « toutes les séances programmées qui ne relèvent pas de caractère d’urgence ont été annulées », soit 70 à 80 % de l’activité habituelle qui n’a plus lieu. A cela s’ajoutent les séances de désinfection des véhicules, obligatoires, « qui prennent du temps et entraînent une baisse de la productivité ». Mais dit bien Julien Augerat, « il y a pour l’heure une guerre à mener, nous ne sommes pas dans la revendication ».

S’adapter à la digitalisation de la médecine

Reste que le sujet devra être abordé dans la phase post-crise. Car avec une croissance de 3 à 5% par an, « des années de hausse de différentes charges, mais pas des tarifs », la profession aborde un virage nécessaire. Le redémarrage, selon le président de Carius, sera long. Et les entreprises devront payer les décalages de charges et autres facilités de paiement octroyées pour faire face à l’immédiateté de la crise. Cependant, « nous réfléchissons à l’après », précise Julien Augerat. Il faut dire que « le secteur vit énormément de mutations au même moment ». Dont une révolution digitale engendrée par l’apparition des solutions de télémédecine et de télé-consulation qui peuvent représenter un axe de développement à considérer. L’idée serait d’en équiper les ambulanciers afin qu’ils puissent aider à la réalisation d’un examen à distance ou favoriser si besoin, les transports vers les centres médicaux ou de santé pour des examens complémentaires. « Nous sommes dans la mobilité et donc dans le maillage de la proximité », souligne le président de Carius, laissant à peine sous-entendre que les ambulanciers peuvent jouer un rôle dans la médecine dématérialisée. Une profession qui, comme tant d’autres, doit aussi faire avec des problématiques de recrutement. « L’image du métier s’est brouillée avec les années. Une crise comme celle que nous vivons, qui met en lumière nos métiers, peut aider à la revaloriser ». Mais quoi qu’il en soit, « certains sujets, dont celui du modèle économique, ne pourront être évités ».

par Laurence Bottero – journaliste La Tribune PACA 

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